Les thugs, les étrangleurs de Kâlî


Les Thugs (les étrangleurs) ont été depuis des siècles l’objet de tous les fantasmes par les occidentaux. Ces fanatiques sectateurs indiens, adorateurs de la déesse Kâlî, déesse hindouiste de la destruction, ont semés la terreur en lnde entre le 13e et le 19e siècle. Appelés aussi Phansigar (utilisateurs de nœuds coulants), ces assassins ont causés la mort de dizaine de milliers de victimes.
Les Thugs attaquaient et tuaient les voyageurs à grande échelle et volaient leurs victimes, se partageant le butin. Ils étranglaient de façon atroce leurs victimes, certains les immobilisant pendant que l’étrangleur serrait le lacet autour du cou. Il était cependant interdit aux Thugs de faire couler du sang quand ils tuaient leurs victimes. Si cela arrivait, le Thug était banni.

Les Thugs ne s’en prenaient généralement pas aux femmes, aux sages, aux artistes, aux lépreux ni aux pauvres ; leur cible était les riches et en particulier les nobles et les marchands. Cela les rendaient assez populaires dans les couches sociales les moins favorisées tout en étant redoutés et craints. Il arrivait que l’on fasse appel à la secte pour commettre un meurtre ciblé, mais cela était plus rare qu’on ne l’imagine.

Dans la mystique des Thugs (que l’on appelle aussi Thags ou Thagîs selon les régions), leur rôle est de réguler les excédents de la nature en tuant le surplus d’homme et c’est leur déesse qui leur révéla l’art d’étrangler. Les sacrifices humains étaient réguliers. Il fallait précipiter la destruction pour entrer dans une nouvelle ère, conformément aux préceptes de leur déesse.  

On entrait dans cette secte généralement de père en fils. Le profane était initié au thuggisme en étant baigné, puis habillé de vêtements neufs. Il était ensuite conduit dans un lieu consacré, secret, où le prêtre invoquait la déesse pour savoir si le candidat était accepté dans la secte. Si un animal ou un oiseau poussait un cri, le candidat était retenu et il prononçait ses vœux pour rentrer dans la secte.
La hiérarchie était assez stricte, entre les éclaireurs, les ensevelisseur (chargés de dépecer, éviscérer et ensevelir les victimes avant que les charognards arrivent, les mainteneurs de membres (chargés de tenir les victimes) et les étrangleurs eux-mêmes). Au total un groupe comprenait entre 40 et 200 individus. La morale était stricte au sein du groupe, ce qui est loin de l’image de tueurs sauvages décrit par les britanniques.

Au XIXe siècle, les Thugs symbolisèrent pour beaucoup la lutte contre le colonisateur anglais. Les britanniques les qualifièrent de criminels, de bandits de grand chemin fanatisés, ce serait avoir une vision bien réductrice.  Dès 1830, les anglais entreprirent d’éradiquer cette secte et mirent en place une police spéciale pour lutter contre elle. Sous la houlette du Colonel W. Sleeman, des arrestations massives eurent lieu et des centaines de Thugs furent pendus ou déportés. A leur procès certains Thugs déclarèrent descendre de la secte des Assassins, mais on se demande aujourd’hui se cela n’a pas été suggéré par leur geôliers anglais. En 1853, la Secte avait officiellement totalement disparue.
Des films mythiques ont repris le thème des Thugs, comme « Gunga Din » (1939) ou encore « Les étrangleurs de Bombay » (1959).

Le film « Indiana Jones et le Temple maudit »(1984), un de mes films préféré, a remis au goût du jour ces sectateurs fanatiques. A préciser cependant que les Thugs n’arrachent pas les cœurs (c’est la qualité et le défaut d’Hollywood d’en faire toujours trop).

Il n’existe normalement plus de Thugs en Inde aujourd’hui. Pourtant des médias indiens font état de la résurgence de la secte, qui s’en prendrait de nouveaux aux voyageurs. Info ou Intox médiatique, difficile de juger.

Les Ninja, entre secte et société secrète


Le nom seul de ninja inspire peur et respect. Le cinéma en a fait un héros ou un méchant, selon les oeuvres mais est souvent bien loin de la réalité.

Connu aussi sous le nom de Shinobi-no-mono, le ninja est un guerrier japonais du Moyen Âge, spécialisé dans les missions d'infiltration et d'élimination (de Nin : furtif et Ja : spécialiste), agissant pour le compte de clans rivaux luttant pour le pouvoir au Japon. On trouvait aussi ce personnage, selon les époques de l'histoire, sous les noms de de Kancho, Sekko, Kagimono-hiki, Saisaku (travaux des ruses minutieuses), Yutei (espion voyageur), Gyonin (voyageur), Igamono (homme de la province d'Iga), Kogamono (homme de la province de Koga), Onmitsu (homme de la mission secrète) ou encore Toppa (celui des actions imprévisibles).

Les techniques ninjas sont connues sous le nom de Nin-jutsu ou Shinobi-ho (méthode furtive). Elaborées au cours des siècles, depuis l'aube de l'histoire du Japon, sans cesse enrichies au cour des guerres civiles du Moyen Âge qui virent différents clans de Ninja servir les seigneurs (Daimyo) rivaux, ces méthodes étaient pour la plupart peu orthodoxes en regard de celles en usage auprès des guerriers professionnels (Samouraï) et inspirés d'éthique du Bushido. Elles étaient cependant très efficaces et daisaient du "guerrier furtif" un adversaire redoutable. On trouve le Nin-jutsu à l'origine même des techniques martiales, qui devinrent arts martiaux, du Japon.

Le Nin-jutsu est avant tout un budo. L'origine du "ninjutsu", encore très obscure, remonte à plus de mille cinq cents ans. Durant des siècles il ne fut pas un art spécifique mais une partie de l'enseignement militaire. Néanmoins, tous les experts japonais reconnaissent dans le "sonchi", livre de la stratégie militaire, les prémices d'un Nin-jutsu codifié.

L'introduction de ces techniques a suivi deux voies, qui eurent leur point de départ en Chine. La première voie fut empruntée par des guerriers, des érudits et des moines chinois, qui s'enfuyant de leur patrie pour prendre refuge sur les îles japonaises n'hésitèrent pas à traverser la mer de Chine. Ils allèrent dans les provinces de Ise et de Kii au sud des capitales de Kyoto et de Nara.

Des sages taoistes (Gamon, Garyu, Kain, Unryu) ainsi que des généraux de la Chine puissante offrirent aux dirigeants de leur terre d'accueil des manuels de stratégies militaires, des philosophies religieuses, des concepts culturels, des pratiques médicinales.

L'autre courant vint aussi de Chine, mais via la Corée, afin d'éviter le pillage par des pirates barbaresques pullulant sur la mer de Chine orientale. Pour certains voyages, ambassadeurs de Chine et du Japon préférèrent en effet le détroit de Corée plus sûr et plus court.

De surcroît, le Japon et la Corée établirent des relations commerciales et culturelles. Les Coréens apportèrent aux Japonais le "harawang do" (la voie pour traverser la vie), concept d'éthique qui devint le "bushido" (code d'honneur du guerrier japonais) ; le sonchi ; le keupso-chirigi (technique martiale qui débouchera sur la science des points vitaux que les Japonais nommeront atemi) ainsi qu'un traité de stratégie martiale appelé tonko (art de se rendre invisible en utilisant la nature et ses manifestations).

Vivant à l'écart de la cour impériale, les ancêtres culturels du ninja menèrent une vie de naturalistes et de mystiques pendant que les principales couches de la société japonaise se structuraient et se hiérarchisaient.

La tradition nous rapporte que l'empereur Jimu fut le premier à utiliser des guerriers déguisés pour subtiliser de précieuses informations. Le premier véritable ninja fît cependant son apparition sous le règne de l'impératrice Suiko (593-628 avant JC) et il se prénomait Micinoue no mikoto. Plus tard, Otomo no sajin, guerrier de l'ombre, se vit confier différentes missions d'espionnage classique. A cette époque les princes Shotoku Tashi et Morya donnèrent aux espions militaires le nom de "ninja" en choisissant le caractère "shinobi" pour les qualifier. D'ailleurs durant les siècles qui précédèrent, ces hommes que nous appelons ninja ne se définirent pas comme des espions, mais comme des "exécutants de la stratégie militaire".

Alors que l'histoire du Japon suivait son cours, les ninja et leurs façons d'agir continuèrent à jouer, d'une manière discrète et efficace, un rôle dans l'accomplissement des évènements historiques et politiques. Si le ninjutsu se developpa comme une contre culture, illégale et hautement subversive vis à vis de l'élite samouraï, l'art de l'ombre n'en demeura pas moins complémentaire et indissociable du bujutsu classique, l'endroit et l'envers agissant dans une symbiose parfaiteement voulue.
La période Heian (794-1185) fût imprtante dans le développement du ninja mais son âge d'or se déroula sous l'époque Kamakura.

Afin de garantir une survivance, de préserver un anonymat, des familles de ninja se formèrent dans les montagnes du Japon. Là, ils allaient devoir cohabiter avec d'étranges ermites pratiquant une ascèse rigoureuse et qui révéleront d'excellents guerriers : les moines yamabushis du Shugendo. Ce fut au contact de ces derniers et des échanges qui eurent lieu que les ninja dégageront toute l'originalité de leurs méthodes guerrières. 

Secrètement, les familles de ninja élaborèrent leurs propres techniques de stratégie militaire. Après l'arrivée au Shogunat du prince Yeasu Tokugawa, les batailles qui ravagèrent le Japon cessèrent, mais les complots demeurèrent. Pour leur grande efficacité, les ninja allaient être utilisés dans la guerre froide.

Pendant les siècles qui suivirent, soixante dix écoles de ninjutsu allaient naître. Ces écoles furent, pour la plupart, concentrées dans les provinces d'Iga et de Koga, dans l'île principale de Honsu. Les camps de ninja s'établirent toujours à proximité d'un haut lieu du shugendo.
Chaque province était sous l'influence d'un clan : par exemple la province d'Iga fût sous le Shogun Yeasu, dirigée par le clan de Hanzo Hattori. Ce dernier, samouraï de haut rang, chef de la police personnelle du Shogun fût le légat d'écoles de ninjutsu de Iga.

Aujourd'hui le ninja est omniprésent dans l'imaginaire collectifs : films, bandes-dessinées, manga....il est l'objet de tous les fantasmes. Pourtant le ninja, le vrai est encore présent dans la société contemporaine, oeuvrant dans le plus grand secret. Pour en savoir plus je vous invite à découvrir mon autre blog sur ce thème : ninja